Résultats du questionnaire UCDF – SCNUF pour l’évaluation du financement du robot dans la prostatectomie radicale pour cancer
Dr A. Salin, Dr D. Legeais, Dr P. Cuq
Introduction
Bien que l’histoire de la « robotique médicale » soit déjà longue, il n’existe toujours pas de GHS spécifique pour l’activité robotique. Cette absence de valorisation rend le recours à cette technologie complexe sur le plan financier en particulier dans les établissements de soins privés (ESP).
Actuellement près de 200 « robots » sont installés en France, qui reste un marchés d’ampleur, dont 90 dans les ESP. Un modus operandi avait été trouvé pour développer et maintenir ce type d’activité en ayant recours à différentes solutions pour rendre la chirurgie robotique finançable. Le contexte actuel d’inflation des charges des établissements avec des tarifs de GHS peu évolutifs, poussent certains établissements à remettre en cause les conditions d’accès des praticiens libéraux à la chirurgie robotique.
L’Union des chirurgiens de France (UCDF) et le syndicat national des chirurgiens urologues de France (SNCUF) ont souhaité établir l’état des lieux des modalités d'accès à la chirurgie robotique des praticiens libéraux en France dans les établissements de soins privé.
Méthodologie
Un questionnaire auto-déclaratif de 12 items a été adressé à l’invitation de l’UCDF et du SNCUF, à 605 chirurgiens libéraux en activité par voie de mail. Le questionnaire a été adressé le 9 novembre 2024 et a été clôturé le 30 novembre 2024.
Résultats
Le questionnaire a été accessible pendant 3 semaines permettant l’obtention de 126 réponses (taux de réponse de 20.8%). Une majorité des répondants (77 %) déclare travailler dans un établissement de soins appartenant soit au groupe Elsan (38%), soit au groupe vivalto (17%), soit au groupe Ramsay (22%). Les autres chirurgiens travaillant dans des établissements de soins indépendants.
Un contrat d’exercice fixant les conditions de l’activité libérale en établissement, avait été signé par 88 % des répondants.
La plupart d'entre eux (76 %) sont assujettis à une redevance exceptionnelle pour utilisation du robot mais on souligne d'emblée que cette pratique n'est pas systématique puisqu'un quart des urologues ne paye pas de redevance pour l'utilisation du robot.
Les montants de redevances appliquées par procédure s'échelonnent, d'après les répondants, de 280 à 680 € TTC. Cela représente une moyenne de 449,71 € TTC (médiane 450 €).
Dans certains établissements, il est appliqué une redevance variable en fonction du nombre d'instruments utilisés ou du nombre de bras utilisé lors de la procédure (110 € par pince, 30 % du prix des pinces ou 300 € en cas d'utilisation de 3 bras ou 450 € en cas d'utilisation de 4 bras).
Plus de la moitié des répondant (54%) est assujettie à une redevance robotique en cas d'intervention sur le patient PUMA ou ACS ne relevant pas de la pratique du complément d’honoraires et devant être opérée au tarif opposable.
Figure 1 : répartition en % de répondants des montants de redevance
La limitation du nombre d’actes par an reste une pratique minoritaire puisque seuls 22% (n=19) des répondants étaient bornés en nombre d’actes sur l’année avec une borne basse de 100 interventions et une borne haute de 280 procédures par an, les autres n’ayant aucune limitation (78%).
Les données des interventions autorisées ou interdites ne sont pas utilisables fautes de taux de réponse significatifs (42 répondants au total). Néanmoins une tendance se dégage pour la limitation à des chirurgies adossées à un GHS conséquent > 3500 euros (interventions de cancérologie).
Concernant la contractualisation de ces conditions, seuls 34 % des répondants (43/125) avaient signé un avenant à leur contrat d’exercice parmi lesquels seuls 12 ont une durée d’application définie (d’un à cinq ans).
DISCUSSION
Le financement de la technologie robotique reste, en l’absence de financement public pérenne, un équilibre à trouver entre l’industriel, les établissements de soins, les médecins et les patients (éventuellement assistés de leur mutuelle).
Le cout de la pratique robotique se décompose en trois parties : l’achat direct ou le leasing de l’outil, le contrat de maintenance et les consommables dédiés par intervention. Au fil des différentes générations ces coût tendent à la baisse, des marges de réduction commerciales sont certainement négociées par les ESP. Cependant l’obsolescence programmée des dispositifs cloisonne la projection de rentabilité des dispositifs.
A l’opposé le financement de l’activité chirurgicale reste contrainte pour les ES comme les praticiens libéraux avec un GHS peu évolutif (12C111 à 3830.56 euro) et un acte CCAM qui évolue bien moins vite que l’inflation (JGFC001 : 777 euro hors optam et 977.4 avec optam CO )
Au final l’équation entre le cout réel et le tarif proposé par l’assureur public reste complexe à résoudre.
Différentes options ont été développées depuis une dizaine d’années pour tenter soit de trouver des moyens de financement du matériel ou de diminuer son cout, soit de trouver de contreparties pour augmenter les recettes ou diminuer les frais en dehors du matériel robotique.
Cependant l’usage d’une redevance robotique payée par le praticien libéral (répercuté ou non sur les compléments d’honoraires) a rapidement fait jour.
La situation financière actuelle des établissements de soins et la concentration des ESP au sein de groupes financiers fait surgir 3 principales menaces pour les praticiens libéraux : généralisation et augmentation des redevances, limitation du nombre de cas, limitation de la robotique à quelques indications.
Intuitivement, l’usage d’un dispositif dans le temps permet d’en amortir le cout d’acquisition, ce d’autant que l’activité, et donc la monétisation du service, augmente avec le temps. Cela s’entend si l’activité génère un bénéfice à chaque usage. A l’inverse le déficit de l’activité se creuse si les actes sont réalisés à perte et leur multiplication fait augmenter d’autant le déficit. Il reste cependant très difficile pour les praticiens de connaitre avec précision, pour leur établissement, quel est le coût d’usage horaire du bloc, le cout d’usage journalier d’une chambre d’hospitalisation, le cout des consommables hors robot, le coût du personnel nécessaire, etc… coûts qui sont fixes par intervention et permettraient ainsi d’établir à partir de quel nombre de robot on perd ou on gagne de l’argent. Il faudrait donc comme pour toute activité, réaliser un business plan et se projeter dans l’avenir.
Les objectifs peuvent néanmoins différer entre les ESP qui doivent rendre des comptes à leurs actionnaires et les médecins qui construisent pour leur part un projet médical pour la qualité des soins au service de leurs patients.
L’obsolescence programmée des robots reste un élément de fragilité pour les praticiens libéraux puisque cela grève la rentabilité financière d’un projet robotique (avec des renouvellements qui s’imposent) et permet aux ESP de proposer des renégociations de conditions d’activité sous la menace d’un non-renouvellement en cas de non-agrément.
La synchronisation des renouvellements au sein des grands groupes et la mise en place de timing serrés pour mener la négociation n’a fait qu’aggraver cette fragilité.
Il nous parait important que les données de ce questionnaire soient disponibles pour la communauté chirurgicale afin que les négociations soient menées en conscience.
Une fois la négociation menée et les parties accordées, la signature d’une convention ou d’un avenant au contrat d’exercice semble être indispensable mais doit respecter un cahier des charges clair :
· Durée d’application de la convention : Une limite de temps doit être décidée dans l’optique de la création future de GHS spécifique qui rendrait caduque la réclamation d’une redevance spécifique. En effet selon l’article L 4113-5 du Code Santé Publique la redevance ne peut concerner que des prestations servies aux médecins qui ne bénéficient d’aucun financement versé par les Caisses de Sécurité Sociale par ailleurs à l’établissement factureur. Le maintien d’une redevance robotique serait alors assimilée à une double facturation.
· Conditions de renégociation : par qui, selon quel média, devoir de réponse à quelle échéance, etc…
· Justification du coût de la redevance en respectant les 3 règles d’établissement
• Facturation au maximum de son coût réel ( Cass 1ère civ 13 mars 2008) : la redevance constitue une rétrocession licite dans la mesure où elle correspond à une somme qui ne dépassera par le coût réel des prestations effectivement servies
• Facturation pour une prestation effectivement servie (art. L4113- du CSP) : la facturation de la redevance n’est licite que si elle correspond toujours à des prestations qui sont demeurées d’actualité
• Facturation pour un coût réel maximum JUSTIFIABLE ( CA Lyon 11 déc 2018 n°17/03067; Cass 1ère civ , 5 février 2020 n°19//12.473)
· Cessibilité en cas de départ
· Exclusivité de l’accès au robot pour les signataires
· Préciser les modalités si négociées :
• Nombre de cas non limités car
• Il est impossible à un médecin de s’engager sur un volume d’activité sous peine de contredire aux articles 5, 24, 83 alinéa II et 95 du code de déontologie médicale.
• Article 5 (article R.4127-5 du code de la santé publique)
Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit.
Article 83 (article R.4127-83 du code de la santé publique)
II- Un médecin ne peut accepter un contrat qui comporte une clause portant atteinte à son indépendance professionnelle ou à la qualité des soins, notamment si cette clause fait dépendre sa rémunération ou la durée de son engagement de critères de rendement.
· GHS concernés tout en respectant l’Article 83 (article R.4127-83 du code de la santé publique)
II- Un médecin ne peut accepter un contrat qui comporte une clause portant atteinte à son indépendance professionnelle ou à la qualité des soins, notamment si cette clause fait dépendre sa rémunération ou la durée de son engagement à des critères de rendement.
• Gestion de la facturation pour les chirurgies des patients PUMA / ACS
• Aide(s) opératoire(s) mise à disposition, plan de formation, etc…
• Matériel mis à disposition (marque, génération, consommables, etc….
Enfin la transmission au CDOM est impérative selon ce même Article 83 (article R.4127-83 du code de la santé publique)
• Toute convention ou renouvellement de convention avec un des organismes prévus au premier alinéa, en vue de l'exercice de la médecine, doit être communiqué au conseil départemental intéressé, de même que les avenants et règlements intérieurs lorsque le contrat y fait référence. Celui-ci vérifie sa conformité avec les prescriptions du présent code ainsi que, s'il en existe, avec les clauses essentielles des contrats-types établis soit par un accord entre le conseil national et les collectivités ou institutions intéressées, soit conformément aux dispositions législatives ou réglementaires.
Il est donc essentiel de rester vigilants et fermes sur les principes déontologiques de notre professions réglementée. Une étude des coûts locaux en fonction des usages reste une condition première pour des négociations de qualité.
Il est impératif d’éviter l’extension de ces pratiques sur d’autres actes techniques diagnostics ou thérapeutiques (usage de l’amplificateur de brillance, la LEC, les soins externes , …)